Évolution du commerce de détail en 2024 : L’omnicanal devient nécessité
En 2024, le secteur de la vente au détail reste prudent alors que les perspectives économiques demeurent floues, avec une inflation persistante, des taux d'intérêt élevés et des tensions géopolitiques accrues.
A ce contexte incertain s’ajoute une compétition exacerbée à laquelle les commerçants se retrouvent confrontés, ainsi qu’à des attentes sans cesse croissantes en matière d’expérience d’achat de la part des consommateurs.
En effet, de la découverte du produit à l'acte d'achat, en passant par la livraison et les retours, les consommateurs recherchent une expérience fluide et sans couture sur tous les canaux, naviguant à travers des parcours de plus en plus complexes où les frontières entre le monde en ligne et hors ligne s'estompent.
En réponse à cette réalité, l'adoption de stratégies de vente omnicanales devient essentielle. Elles améliorent l'expérience client, tout en apportant des avantages significatifs aux commerçants en termes de gestion des stocks et de ventes additionnelles. Cependant, intégrer ces stratégies représente une transformation majeure à plusieurs niveaux pour les commerçants.
L'évolution du commerce : de la séparation des canaux à l'omnicanalité
À ses débuts, bien avant Internet, le secteur de la vente au détail reposait principalement sur les magasins physiques. Une organisation minutieuse était nécessaire pour assurer leur bon fonctionnement : présence de vendeurs, approvisionnement des rayons, gestion des stocks, coordination des livraisons, et systèmes informatiques pour la gestion globale. Cette infrastructure a demandé des années à se mettre en place.
Puis, avec l'avènement d'Internet, les commerçants ont réagi en lançant leurs propres sites de commerce en ligne, motivés par l'émergence de nouveaux acteurs, les Pure-Players, dépourvus de magasins physiques. À cette époque, il y avait une nette séparation entre les canaux de vente : les commerçants considéraient que les acheteurs en ligne étaient différents de ceux fréquentant leurs magasins. Cette perception reposait sur des différences dans l'adoption d'Internet par les foyers, les jeunes et les cadres étant plus enclins à acheter en ligne que les personnes âgées.
Cette segmentation des consommateurs selon le canal d'achat était profondément intégrée dans les organisations : équipes distinctes pour le commerce en ligne, la logistique, les paiements et la fidélisation.
Progressivement, il est devenu évident que les consommateurs étaient souvent les mêmes, qu'ils achètent en ligne ou en magasin. Les commerçants ont alors pris conscience de l'importance de fusionner ces canaux pour exploiter leurs complémentarités. Cette évolution a conduit à explorer des scénarios où les canaux interagissent harmonieusement, offrant des avantages tant pour le consommateur que pour le commerçant.
Stratégies omnicanales dans le commerce : Le Click & Collect et les Showrooms physiques
Parmi les stratégies omnicanales, le Click & Collect a été largement adopté. Il permet aux clients de faire leurs achats en ligne sur le site web ou l'application mobile d'une enseigne, puis de récupérer leurs articles en personne, en magasin ou dans un point de collecte. Cette méthode leur permet de profiter du confort des achats en ligne tout en évitant les délais de livraison. Pour les commerçants, c'est une façon d'utiliser leur infrastructure physique tout en répondant à la demande croissante du e-commerce.
Un exemple populaire de Click & Collect est celui des drives, notamment dans le secteur alimentaire, mais également chez des géants comme Ikea, qui aménagent des espaces spécifiques dans leurs magasins. Cette approche nécessite une planification minutieuse car elle influence l'architecture du magasin, les zones de vente, les réserves et la logistique. En DIY, cette réflexion est aussi très importante. Cela s'explique par le défi organisationnel de la livraison à domicile mais aussi par les coûts très élevés associés à la livraison des articles lourds ou encombrants. Ainsi, en proposant aux clients de venir retirer leurs achats, les coûts et la complexité logistiques sont réduits et les marges préservées.
A l’inverse du Click & Collect, un autre concept omnicanal bien connu transforme les magasins en showrooms.
Lorsqu'un client entre dans un grand magasin, il est limité aux produits proposés par cette enseigne et n'a pas accès à toute la gamme disponible sur sa marketplace associée. Pour pallier cette restriction, l'espace de vente se transforme en lieu d'exposition plutôt qu'en simple espace de stockage, offrant ainsi virtuellement une sélection infinie de produits provenant de divers vendeurs de la marketplace. Les clients peuvent recevoir des conseils des vendeurs sur les produits exposés en magasin ainsi que sur ceux disponibles uniquement en ligne, grâce à des tablettes ou des bornes. Ils ont ensuite le choix entre la livraison à domicile ou le retrait en magasin.
Cependant, le succès de ce concept dépend de la capacité à tirer parti de la présence physique des consommateurs en magasin, en leur offrant une assistance personnalisée pour faciliter leurs achats. Transformer un magasin en showroom nécessite donc d'investir dans du personnel supplémentaire, formé aux bonnes pratiques et doté de nouvelles compétences professionnelles. À l'échelle d'une chaîne de magasins, cela peut concerner des milliers voire des dizaines de milliers de personnes, entraînant des coûts significatifs.
Que ce soit pour le Click & Collect ou le Showrooming, il est clair que le magasin physique reste important. Cependant, avec la multiplication des plateformes d'achat en ligne et les avancées de la réalité augmentée, les clients ne sont non seulement plus contraints d'acheter en magasin, mais les avantages traditionnels de l'expérience en magasin (voir et toucher les produits) perdent considérablement de leur importance. Les commerçants doivent donc repenser l'expérience en magasin et se demander ce qui incitera les consommateurs à se déplacer.
L'évolution du commerce : faire du magasin un lieu d’événement
Personnellement, l'idée de faire les courses le samedi dans une grande surface en périphérie me semble peu attrayante. Le plaisir du shopping est souvent absent, et beaucoup partagent ce sentiment. Les magasins doivent donc évoluer.
Une stratégie consiste à intégrer le divertissement dans le commerce, il s'agit du retailtainment (retail + entertainment). Les marques offrent des activités qui vont au-delà de l'achat, transformant le magasin en un lieu d'événement.
Les acteurs les plus innovants sont souvent les industriels qui commencent à vendre directement aux consommateurs, à l'instar de Lego. En plus d'acheter les derniers produits, les familles peuvent admirer des constructions et participer à des activités dans des espaces dédiés. Pour certaines familles, visiter un magasin Lego devient une activité en soi, incitant à des achats pour prolonger l'expérience à la maison.
Nike a également innové en transformant un magasin de New York en une zone d'aventure virtuelle. La marque utilise la réalité augmentée pour interagir avec les acheteurs et prolonger son storytelling.
Avec le Click & Collect, des stratégies axées sur l'expérience d'essayage sont possibles. Par exemple, les clients fidèles peuvent réserver des articles de la nouvelle collection via l'application mobile et venir les essayer en magasin. Ils bénéficient ainsi des conseils des vendeurs et d'une expérience d'achat agréable. Cette approche limite également la gestion des retours et favorise l’up-selling.
L’objectif ultime de l'omnicanal est de personnaliser l'expérience d'achat en informant les vendeurs des interactions en ligne des clients avant leur visite en magasin. Cette technique, appelée "clienteling", est mise en oeuvre par des enseignes telles que Macy's à travers des services de "personal shopper", offrant ainsi des expériences client plus enrichies et personnalisées.
Optimisation des stocks et logistique dans le commerce omnicanal : utiliser les magasins comme mini-entrepôts
Traditionnellement, lorsqu'un consommateur achète en ligne, la livraison à domicile provient d'un entrepôt centralisé avec un stock dédié aux commandes Internet. Chaque article est donc expédié individuellement, avec une logistique de picking spécifique.
Parallèlement, les commerçants disposent souvent de stocks répartis dans un ou plusieurs entrepôts nationaux pour approvisionner leurs magasins. Prenons l'exemple d'un commerçant ayant un surplus de tee-shirts verts à Lille, tandis qu'à Marseille, ces mêmes tee-shirts se vendent très bien et sont presque en rupture de stock. Plutôt que de solder les tee-shirts à Lille, risquant ainsi de perdre sa marge, une solution alternative existe grâce à l'omnicanal.
L'idée est d'utiliser les magasins répartis sur tout le territoire national comme des mini-entrepôts. Les vendeurs peuvent y préparer les commandes, qui seront ensuite expédiées directement aux clients. Au lieu de faire parcourir des centaines de kilomètres à chaque article depuis un entrepôt centralisé, il suffit de gérer la logistique du "dernier kilomètre".
Cette pratique engendre certes des coûts de préparation, d'opération et de transport, mais si elle est bien exécutée, les avantages à court terme sont significatifs et tangibles. En utilisant les magasins comme points de distribution, les commerçants peuvent optimiser leurs stocks, réduire les délais de livraison et améliorer la satisfaction client.
La bataille pour la transformation omnicanale est encore à venir
Refondre la structure des magasins, centraliser la gestion des entrepôts, adopter des technologies d'automatisation et augmenter les effectifs... Peu d'entreprises maîtrisent tous ces aspects de manière optimale, en raison des investissements et des efforts importants nécessaires. Beaucoup de commerçants restent prudents et procèdent par expérimentations et petits ajustements avant de se lancer dans une industrialisation à grande échelle. Ces modifications sont souvent mises en œuvre progressivement, via des magasins pilotes, car leur viabilité économique est encore incertaine.
Le secteur du retail est délicat, avec des marges souvent faibles et une forte dépendance au volume des ventes, surtout en périodes de croissance plate. Trouver un équilibre entre les investissements dans l'expérience client et leur impact sur les résultats financiers est donc essentiel.
Bien que les idées novatrices soient attractives, il est nécessaire de les évaluer soigneusement pour s'assurer qu'elles génèreront suffisamment de revenus supplémentaires pour compenser les investissements.