L'éveil du marché du luxe aux opportunités e-commerce

Publié le 8 nov. 2017 | 7 min de lecture

Jusque là résistantes au e-commerce, certaines marques de luxe telles que Chanel et Céline, assurent désormais vouloir vendre leurs produits phare sur Internet. D’autres marques haut de gamme, de montres et de bijoux en particulier, pensent au contraire que les consommateurs n’achèteront pas d’articles de luxe s'ils n’ont ni la possibilité de les voir ni de les toucher.

Pourtant, le e-commerce est bien l'une des rares opportunités de croissance dans un marché du luxe stagnant. Et, certains signes prouvent que les comportements changent.

"Le e-commerce est actuellement l'un des grands sujets au sein de l’industrie du luxe. On parle de 9% de produits vendus en ligne. Mais, pour le segment des montres et des bijoux, ce pourcentage représente à peine 4 à 4,5%», explique René Weber, analyste au sein de la banque privée suisse Vontobel. "Si nous parlons de véritables montres haut de gamme en ligne, les ventes sont quasi inexistantes. Toutefois, certaines marques ont initié des tentatives l'année dernière, notamment sur le site Net-a-Porter ainsi que sur leurs propres sites Web, mais ce n'est vraiment qu'un point de départ."

Certains créateurs de montres de luxe considèrent encore le e-commerce comme le logis des marchandises de contrefaçon.

Les marques de luxe, en particulier de montres, sont fortement dépendantes de la vente aux travers de revendeurs agrées et pratiquent relativement peu le modèle BtoC. En 2013, l'horloger britannique Bremont a été la première marque de montres de luxe à vendre sur des sites e-commerce tels que Yoox Net-a-Porter et M. Porter. Mais l'horloger ne possède que quatre boutiques propres, contre 185 revendeurs agréés.

"L'idée de diminuer les ventes via les revendeurs agréés est un grand pas à faire. Nous pensons qu'ils font du très bon travail et je ne veux pas être en concurrence avec ces derniers», a déclaré le co-fondateur de Bremont, Giles English. "Mais il arrive un moment où vous devez offrir au client ce qu'il veut. Et, celui-ci veut acheter sa montre directement chez vous, sur votre site web, alors, vous devez être en mesure de proposer ce service. Beaucoup de marques vont, peu à peu, adopter cette démarche."

Le service haut de gamme a été essentiel pour attirer les grandes marques vers les plateformes online.

En effet, IWC Schaffhausen, l'horloger suisse de luxe (appartenant au conglomérat de luxe Richemont), s’est lancé sur Net-a-Porter et M. Porter en novembre dernier mais n'exploite toujours pas son propre site web.

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Richemont, groupe spécialisé dans l'industrie du luxe et plus gros investisseur de Yoox Net-a-Porter, teste le e-commerce sur Net-a-Porter et Mr Porter avec plusieurs de ses marques, dont l'horloger Panerai et le joaillier Piaget.

"Nous avons eu jusqu'ici des ventes très prometteuses", a déclaré  Angelo Bonati, directeur général de Panerai à propos de sa première offre en ligne: 25 montres à vendre sur M. Porter. "Le marché international, sur le segment numérique, évolu. Nous sommes entré dans une nouvelle ère, où les plateformes de commerce électronique qualitatives se développent rapidement et construisent leur propre réputation."

Les services haut de gamme comme la livraison express et les “personal shoppers” que proposent les sites en ligne comme Yoox Net-a-Porter (YNAP) et le chinois JD.com ont été la clé pour attirer les grandes marques. YNAP n'a pas caché son intention d'exploiter le segment des montres et des bijoux de luxe avec pour objectif , 100 millions d'euros de revenus d'ici 2020 (soit environ 116 millions de dollars). L’entreprise a donc un attrait pour les clients fortunés puisque seulement 2% de clients représentent 40% du chiffre d'affaires.

Plus tôt cette année, le joaillier de luxe Chopard a lancé sa première offre e-commerce en Chine, sur JD.com, qui emploie des livreurs conduisant des voitures électriques pour remettre les achats aux clients en seulement quelques heures. Cette nouvelle offre «permettra aux jeunes clients qui aiment le shopping online d'en savoir davantage sur Chopard», a déclaré Tasso von Berlepsch, directeur général de Chopard Chine.

Certaines marques de bijoux ont tout de même été plus rapides au moment d’adopter les ventes online et ont priorisé leurs propres sites Web. C’est l’exemple de Cartier qui s’est lancé dans le commerce électronique aux États-Unis en 2010; de Chopard qui a suivi en 2012 et de Tiffany qui est en ligne depuis 2000. Notez que les revenus en ligne des bijoutiers américains ont stagné à 6% des ventes nettes ces trois dernières années.

"Nous constatons que de plus en plus de nos clients commencent leur parcours d’achat en ligne et le finissent en magasin, où ils peuvent bénéficier d’une expérience plaisante et des conseils d'un professionnel compétent", a déclaré Philippe Galtié, vice-président des ventes internationales chez Tiffany.

Même pour la génération Y américaine, qui achète fréquemment en ligne, les grands magasins restent le canal privilégié pour l'achat de bijoux en diamants, suivis par les commerces indépendants, les chaînes multi marques spécialisées puis le e-commerce,. «Les bijoux en diamants représentent  toujours un achat très émouvant. Ils nécessitent des points de contact physiques, avec une histoire.» a déclaré Olya Linde, associée chez Bain & Company.

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Le e-commerce est généralement associé à la notion de produits à bas prix. Mais, selon les analystes, cela est en train de changer. Le bijoutier britannique Boodles dit qu'il y a cinq ans, le prix moyen de ses produits en ligne était d'environ 1 000 £, alors qu'aujourd'hui il est passé à 3 000 £. Pourtant, l'expérience offline reste critique. "La joie de recevoir nos clients en magasin, le fait que notre personnel tisse une véritable relation avec eux feront que l’expérience en boutique l’emportera toujours sur le e-commerce", a déclaré James Amos, directeur marketing de Boodles. Le joaillier possède un chiffre d'affaires annuel de 70 millions de livres sterlings. Un peu plus de 1% de ce chiffre provient du e-commerce et James Amos prévoit que ce chiffre atteindra 2 à 3%.

Bien que toutes les marques de luxe n'adoptent pas le e-commerce avec vigueur, beaucoup commencent à montrer leurs prix en ligne et quelques plateformes online proposent leurs produits. Elles ont commencé également à engager la conversation avec les internautes au travers de chatbots et des médias sociaux. Le segment des montres et des bijoux pourrait ne jamais se déplacer en ligne mais le e-commerce pourrait représenter 20% des ventes totales du luxe en 2025, a déclaré René Weber.

"Si vous voulez acheter une montre de 100 000 francs suisses, vous ne l'achèterez probablement pas en ligne, mais nous verrons de plus en plus les prix sur Internet et nous verrons de plus en plus de produits sur les marketplaces. Lentement, l’industrie du luxe opère un changement." poursuit René Weber.

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Source : www.businessoffashion.com

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