Du social shopping au e-commerce axé sur le divertissement, ce que les marques occidentales peuvent apprendre des géants chinois du Retail

Publié le 29 mai 2020 | 8 min de lecture

Alors que bon nombre de secteurs de l'économie luttent pour leur survie dans la nouvelle et soudaine réalité née de l'épidémie de COVID-19, le e-commerce rencontre une demande massive, favorisant un processus déjà en cours : le passage de la vente physique aux opérations numériques. Parce que, partout dans le monde, les consommateurs étaient confinés chez eux, ils sont devenus de plus en plus friands des achats en ligne et, à certains égards, cette demande coïncide avec des innovations importantes de la part des marques et des commerçants. Prenons l'exemple de la Chine, où les achats traditionnels en ligne sont en train de disparaître. Avant même que les individus ne soient contraints de rester chez eux, deux tendances clés changeaient déjà radicalement le paysage du e-commerce : le social shopping et le live commerce.

Le Social Shopping

En ajoutant du divertissement à l'expérience traditionnelle d'achat en ligne, les géants chinois du e-commerce - comme Alibaba, la plus grande société de e-commerce de Chine, et PinDuoDuo (PDD), la deuxième plus grande entité de e-commerce du pays, avec une valeur équivalant à un peu moins de 40 milliards de dollars, ce qui en vaut plus que eBay ou Twitter - réorganisent activement la façon dont les consommateurs font leurs achats.

L'essor fulgurant de PDD, fondé en 2015, en a surpris beaucoup. Deux ans après son lancement, la société basée à Shanghai avait attiré 200 millions d'utilisateurs actifs et obtenu une valorisation de 23,8 milliards de dollars lorsqu'elle a fait son entrée sur le marché boursier américain en juillet 2018. Derrière ce succès, une expérience d'achat centrée sur la communauté, dans laquelle les consommateurs peuvent acheter un produit immédiatement au prix du marché, ou dans laquelle ils peuvent profiter de prix plus bas en invitant leurs contacts via les réseaux sociaux à former un groupe d'achat commun. Plus ils sont nombreux à s'inscrire, plus la réduction dont ils bénéficieront sera importante - les réductions pouvant atteindre parfois 90 %. 

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Cette approche relativement novatrice de PDD a incité à établir des comparaisons avec Groupon. Cependant, contrairement à Groupon qui s'est fait connaître en offrant des chèques-cadeaux à durée limitée aux consommateurs avant de connaître des moments difficiles (l’entreprise avait du mal à convaincre les personnes de s'inscrire et de télécharger son application), PDD avait amassé près de 420 millions d'acheteurs actifs et 135 millions d'utilisateurs actifs quotidiens l'année dernière. Elle s'est développée en grande partie grâce à sa pratique consistant à exploiter le milliard de personnes utilisant déjà l'application de messagerie WeChat, propriété Tencent (Tencent est le principal actionnaire de PDD).

"En partageant les informations sur les produits PDD sur les réseaux sociaux tels que WeChat et QQ, les utilisateurs peuvent inviter leurs contacts à former une équipe pour obtenir un prix plus bas pour leur achat", avait précédemment rapporté le média en ligne TechCrunch. "Ce mécanisme maintient les utilisateurs motivés et tentés par une expérience d'achat plus interactive et dynamique." Ajoutez d'autres incitations, telles que le paiement en argent liquide, des loteries et des produits gratuits, et PDD parvient à acquérir des utilisateurs à un coût très faible, et les maintient engagés en fournissant "une sensation virale en Chine".

Alors que les médias technologiques ont comparé PDD - dont le slogan est "Ensemble, plus d'économies, plus de plaisir"- à Groupon en raison de son modèle axé sur l'épargne, Colin Huang Zheng, l'ancien ingénieur de Google qui a lancé PDD il y a seulement cinq ans, décrit différemment le modèle commercial de l'entreprise. Il le définit comme "une combinaison de Costco et de Disneyland". Pour lui, au cœur de la réussite de l'entreprise se trouve l'élément social. Après tout, le mot chinois pīn (la première partie du nom de l'entreprise) signifie "regrouper", une référence, selon Colin Huang Zheng, à l'objectif plus large de l'entreprise qui consiste à offrir aux consommateurs plus que de simples réductions, mais une expérience de shopping social. 

La société vise à mettre en relation des centaines de milliers d'utilisateurs en offrant des réductions à des groupes, par opposition aux achats individuels, et en organisant des concours pour faire participer les utilisateurs dans un cadre communautaire.

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Le Live Commerce : l’infopublicité relancée

Sur le marché chinois du e-commerce, hautement concurrentiel, Alibaba réorganise le modèle dépassé de l’infopublicité. Cette dernière, bien loin de son apogée dans les années 70 n'existe plus, de nos jours, que sur des chaînes câblées marginales, essayant de vendre des articles dont peu de gens ont besoin, généralement en faisant appel à des célébrités de la “D-List Celebrities” - une liste destinée aux personnes dont l’origine de la célébrité est si méconnue qu'elles ne sont généralement populaires que pour leurs apparitions en tant que soi-disant célébrités.... 

Le format a désespérément besoin d'une cure de jouvence - et une fois de plus, la Chine l'a proposé par le biais du Live Commerce, la convergence du live streaming et du e-commerce, qui est devenu très populaire auprès des consommateurs chinois. Par exemple, lors du festival chinois de la journée des célibataires de l'année dernière (le Singles Day), l'événement Taobao Live d'Alibaba a contribué à environ 20 milliards de yuans (2,86 milliards de dollars) en volume brut de marchandises, soit environ 7,5% des ventes totales de la société.

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Selon la société chinoise de services financiers Everbright Securities, le marché du live commerce représentait 440 milliards de yuans (63 milliards de dollars) en 2019, soit une augmentation de 220% par rapport à 2018. Environ 25% des consommateurs sont des utilisateurs quotidiens, tandis que 71% regardent un événement de commerce en direct au moins une fois par semaine, selon les recherches de iiMedia. Fait intéressant, le taux de conversion des ventes du commerce en direct est beaucoup plus élevé que celui des plateformes traditionnelles. Des données récentes suggèrent que la popularité du commerce en direct en Chine a augmenté pendant la crise du COVID-19, les gens restant à l'écart des magasins.

Le live commerce en Chine est dirigé par les célébrités, non pas par les stars traditionnelles du cinéma ou de la télévision, mais en grande partie par d’influenceurs en ligne. Il s'agit notamment d'Austin Li “le roi du rouge à lèvres” (qui compte 22,1 millions de followers) et de Viya (qui compte 18,1 millions de followers). Tout en se vantant d’avoir leur propre base de fans, ils invitent - de temps en temps - des célébrités à les rejoindre. En novembre 2019, Viya a accueilli Kim Kardashian-West, qui n'a pris que quelques minutes pour vendre 15 000 bouteilles de son parfum de marque KKW.

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Mais cette approche ne se limite pas aux cosmétiques et aux parfums; elle peut également permettre de vendre des articles de grande valeur comme des voitures. Lors d'un événement en direct mettant en scène Geng Shuai, un créateur de kitsch, les animateurs ont engagé 4,5 millions de téléspectateurs et vendu 1 623 voitures en deux heures et demie.

Les animateurs du live commerce utilisent des réductions à durée limitée pour encourager les commandes rapides, souvent avec un nombre restreint de produits disponibles pour accroître le sentiment d'urgence des acheteurs. Les prix et les cadeaux sont également un moyen populaire pour les animateurs de nouer le dialogue avec les téléspectateurs, certains offrant des produits d'une valeur de plusieurs dizaines de milliers de dollars.

Malgré l'essor en Asie, le live commerce a mis du temps à s'imposer en Occident, où la diffusion en direct se concentre sur les jeux via des plateformes telles que Facebook ou Twitch. Amazon, par exemple, a lancé Amazon Live, mais il manque de nombreuses fonctionnalités interactives. L’entreprise n'a, jusqu'à présent, pas réussi à établir un lien significatif avec les consommateurs. Pendant ce temps, Tommy Hilfiger se plonge dans des événements en direct. La marque basée à New York a annoncé récemment qu'elle organiserait un événement de commerce en direct pour mieux servir le consommateur moderne, en particulier compte tenu de la pandémie de COVID-19, prouvant ainsi son avance dans le domaine.

Tommy Hilfiger, lui-même, déclare "au cours des 35 dernières années, s'engager avec les consommateurs en créant des expériences qui les surprennent et les passionnent a été au cœur de ce que nous faisons. Aujourd'hui, nous devons pousser encore plus loin notre philosophie "Voir maintenant, acheter maintenant" pour rester en phase avec Où, Quand et Comment les consommateurs veulent découvrir la mode."

Derrière l'essor du secteur du e-commerce en Chine (et certains efforts en plein essor en Occident), se cachent des outils et des services qui modifient radicalement les achats en ligne en le rendant plus passionnants pour l'acheteur chinois. Dans ce contexte, les entreprises occidentales ont désormais l'occasion de rafraîchir leur approche des achats en ligne.

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Source : thefashionlaw.com

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Bérangère D'Henry

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